Ses grands yeux bleus n’osaient pas regarder droit devant, ils fixaient le sol et croisaient les miens timidement de temps à autre. Ses épaules tombaient vers l’avant et ses formes étaient toujours dissimulées sous de larges vêtements. Isabelle était libraire, elle avait autour de cinquante ans. Nous ne nous connaissions pas mais sans le savoir, j’achetais tous mes livres chez elle.

Elle a commencé mes cours de Pilates en 2014, et je me souviens qu’elle fait partie de ces élèves qui m’ont fait réaliser à quel point cette discipline permet de progresser à vitesse grand V. Isabelle n’a pas seulement progressé, elle s’est métamorphosée. Au fil des mois, ses yeux malicieux brillaient d’un bleu encore plus puissant et regardaient désormais l’horizon. Ses épaules s’étaient ouvertes, comme pour laisser passer plus de souffle au niveau de sa poitrine, ce qui lui conférait une allure très confiante. Son menton s’était relevé, son rire résonnait plus fort et plus souvent, et elle d’habitude si réservée devenait une élève bavarde que je devais parfois sermonner avec humour en me prenant pour une maîtresse de classe.

Quelques années plus tard, je croise Isabelle sur un trottoir, à deux pas de sa librairie. Elle me dit:
« Tu sais, j’ai toujours essayé de me mettre au sport, mais je n’ai jamais tenu sur le long terme. Jamais plus d’un mois. Aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer, alors merci, vraiment ».

C’est un des moments bonheurs de mon métier. Isabelle, si réservée, avait comme éclos grâce au Pilates. J’étais heureuse..

Isabelle, si tu lis ce texte, sache que c’est toi que j’ai choisie pour initier un nouveau chapitre de ma vie, celui d’écrire des portraits de femmes transformées par le sport.

Chères toutes, mes Pujolettes, les autres, j’espère que ces portraits de femmes vous motiveront, vous toucheront, vous feront sourire. Je souhaite partager des destinées pour partager bien plus encore. Pour qu’on se comprenne mieux nous mêmes et entre nous, pour se déculpabiliser, pour s’aimer, pour grandir. 🤍

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